Le sociologue Jean-Pierre Martignoni accuse l'institution et son président Charles Coppolani d’avoir étouffé un rapport concernant l'addiction des joueurs, qui contredirait la vision excessive de l'ARJEL.
« Après plus de 15 mois de réflexion, le président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), Charles Coppolani, a donc finalement interdit que l’étude « ethnosociologie des jeux de hasard et d’argent en ligne : poker, paris hippiques, paris sportifs » soit publiée sur le site de l’Autorité de régulation. Sociologue spécialisé sur des jeux de hasard et de l’industrie des jeux d’argent, chargé d’étude et salarié à l’ARJEL depuis 2011, nous avons condamné cette décision, que nous considérons peu ou prou comme une censure qui ne veut pas dire son nom », peut-on lire dans le communiqué de Jean-Pierre Martignoni, publié dans son intégralité sur le site www.lescasinos.org. Cette étude approfondie, basée sur un vaste échantillon représentatif de la population des joueurs en ligne extrait du frontal de l’ARJEL comportait un sondage en ligne auto administré sur une population de 4145 joueurs ainsi que le résultat de 185 entretiens de joueurs réalisés au siège de l’ARJEL à Paris en face à face ou par téléphone, qui représentaient des dizaines d’heures d’enregistrement. « L’étude quanti était reproductible, les chiffres précis. Les règles de la méthode avaient été appliquées, le souci méthodologique et épistémologique constant. Nous avions par exemple purifié le questionnement afin ne pas surdéterminer les réponses d’un sujet sensible et complexe, poursuit le communiqué. Toutes les étapes avaient été validées par nos responsables hiérarchiques, des « pointures » de l’ARJEL qui ont le sens de l’Etat et des affaires publiques. Il s’agissait d’offrir des pistes de réflexion, d’interpréter des statistiques, en restant au plus près des pratiques ludiques numériques observées et des représentations. Nous avons systématiquement utilisé des marqueurs de précaution afin de moduler les analyses et éviter la surinterprétation ».
Pourtant, le premier volet de cette recherche avait reçu l’aval pour publication de Jean-François VILLOTE avant son départ. Le second volet aurait du être publié en 2015 si Charles Coppolani n’avait pas mis son véto. Selon Jean-Pierre Martignoni, « publier sur le site de l’ARJEL une vaste étude représentative qui remet objectivement en cause cette vision réductrice du e. gambling, cela aurait fait tâche, cela aurait suscité le débat. Car cette politique de « jeu responsable », engagée depuis longtemps par l’Etat, Bercy et la FDJ, apparait en réalité très contradictoire. Se situant entre injonction paradoxale, principe de précaution exacerbée, conflits d’intérêts et instrumentalisation réciproque, cette politique des jeux a déjà été fortement critiquée aussi bien politiquement, économiquement que scientifiquement et pas seulement par nous ».
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